H. Spira: La frontière jurassienne au quotidien 1939-1945

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Titel
La frontière jurassienne au quotidien 1939-1945.


Autor(en)
Bandelier, André
Erschienen
Genève 2010: Editions Slatkine
Anzahl Seiten
620 S.
Preis
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Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Philippe Henry

Abondamment illustré de photographies et de reproductions de documents, ce livre est la somme des nombreuses contributions de l’auteur sur les conséquences, principalement dans la région jurassienne, du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale. Ce recueil de documents, de recherches dans les archives, d’interviews, de prises de position et d’écrits polémiques est une contribution originale et importante à la connaissance de l’application en Ajoie des mesures décidées par les autorités de police à l’égard des personnes, de confession israélite pour la plupart, qui tentaient d’échapper au régime hitlérien. Il est aussi un document très intéressant pour l’observation des réactions en Suisse aux violentes attaques de Juifs américains à la fin des années 90.

Rien ne destinait l’auteur à faire oeuvre d’historien. Né en 1923, Henry Spira, fils d’Armand, industriel à Porrentruy, est fortement ancré dans l’Ajoie où il vécut et étudia jusqu’à l’obtention de la maturité fédérale. De 1941 à 1945 son temps fut partagé entre l’Ecole polytechnique fédérale à Zurich et le service militaire. Sa carrière se poursuivit à Genève surtout. C’est en 1992, au moment de sa retraite professionnelle, qu’il commença à s’intéresser à sa généalogie et qu’il découvrit dans les archives de ses parents combien ceux-ci, et particulièrement son père, mort en 1944, avaient été actifs pour tenter de mettre en sécurité des coreligionnaires persécutés. Dès ce moment, il enquêta sur l’attitude des autorités fédérales à l’égard des Juifs pendant la période nazie, si bien qu’il connaissait la question lorsque les attaques venues d’Outre Atlantique surprirent le Conseil fédéral, lui-même peu au fait de sa propre histoire. Henry Spira intervint alors avec constance et énergie dans le débat.

Sans rien omettre des faiblesses, des erreurs et des fautes des autorités de police, particulièrement en août 1942, Henry Spira fait apparaître une réalité complexe dans l’application des mesures de refoulement. Il n’est pas possible d’entrer ici dans le détail des plus de cent titres de la table des matières, mais il faut citer la mise en valeur, pour la première fois, des registres d’écrou de prisons, en l’occurrence celle du district de Porrentruy entre le 1er juillet 1939 et le 31 mars 1945 (pp. 441-523). Il faut citer aussi, comme exemples de précision et d’exhaustivité dans l’enquête « Les fermes de la Queue-au-Loup, haut-lieu d’événements marquants entre septembre 1939 et fin 1944 » (pp. 260-267) ; l’« Odyssée exemplaire de Céline Zagiel-Monkobowski et de son mari, en août 1942 » (pp. 145-152) ou encore le cas de la famille Sonabend (pp. 153-157, 163-167 et 311-328). Un intérêt supplémentaire des enquêtes d’H. Spira est qu’elles retracent le destin de personnes refoulées même après leur interdiction d’entrer en Suisse, parfois jusqu’à leur mort dans un camp, parfois, trop rarement, jusqu’à leurs nouvelles conditions de vie après 1945. H. Spira a même pu faire revenir récemment une personne sur son lieu de passage de la frontière et d’accueil en Ajoie.

L’index nominatif permet de retrouver aisément les informations sur les personnalités les plus en vue, le conseiller fédéral Edouard von Steiger, le chef de la division de police Heinrich Rothmund, comme sur des acteurs régionaux tels que le conseiller national Paul Billieux ou le major Heinrich Hatt, auxquels plusieurs pages sont réservées, ou encore sur des sous-offciers de police ou de gendarmerie ou encore sur des particuliers, dont plusieurs femmes engagées dans l’assistance aux réfugiés.

Portant sur des cas précis, les études d’Henry Spira mettent aussi en évidence des relations parmi la population de Porrentruy, particulièrement entre ses parents et les soeurs ursulines.

Dans la mesure où le livre d’Henry Spira est la réunion de recherches historiques et d’écrits de combats menés pendant près de vingt ans, il faut, une fois encore, renoncer à tout inventaire, abandonner, par exemple, les pages sur les combats aériens en Ajoie en mai-juin 1940 (pp. 116-125) ou son interpellation du juge Korman, président de la federal court à Brooklyn (p. 88), et même passer sous silence ce qui concerne le territoire genevois, mais les lecteurs de notre revue y trouveront une récapitulation des registres d’écrou de la prison de Neuchâtel de 1938 à 1945 (p. 406). 1

On le constate l’ouvrage d’Henry Spira, Ajoulot dans l’âme, témoin des événements par l’intermédiaire de ses père et mère, fouilleur d’archives, enquêteur sans frontière, polémiste même envers des coreligionnaires, est un livre d’une lecture attachante et utile pour la connaissance de l’exécution locale au quotidien de décisions fédérales de police et de nombreux événements survenus le long de la frontière franco-suisse.

1 Nous rappelons ici l’étude de Philippe Hebeisen, Une histoire de la frontière neuchâteloise durant la Seconde Guerre mondiale, 2007, Neuchâtel, Editions Alphil.

Citation:
Rémy Scheurer: Compte rendu de: Henry Spira: La frontière jurassienne au quotidien 1939-1945. Genève, Editions Slatkine, 2010. Première publication dans: Revue historique neuchâteloise, Vol. 148/1, 2011, pages 45-46.

Redaktion
Veröffentlicht am
20.06.2013
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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